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Promenades autour d'un village

Жорж Санд

George Sand

Promenades autour d'un village

I

Dans les derniers jours de juin 1857, je me mis en route avec deux compagnons qui ne demandaient qu'Г  courir: un naturaliste et un artiste, qui est, en mГЄme temps, naturaliste amateur.

Il s'agissait pour eux d'explorer, sous certains rapports, la faune entomologique, en langue vulgaire la nature des insectes qui habitent notre dГ©partement. N'Г©tant qu'un parfait ignorant pour mon compte, je leur avais seulement promis, en leur servant de guide, un charmant pays Г  parcourir.

Mais, avant d'aller plus loin, il faut que, pour la facilitГ© de mon rГ©cit, je baptise ces deux personnages que j'accompagne. Je leur laisserai les noms dont ils s'Г©taient gratinГ©s l'un l'autre dans leurs promenades entomologiques.

L'artiste est, à ses moments perdus, grand collectionneur et préparateur de premier ordre. Un charmant petit papillon bleu fort commun était tombé en poussière à la collection, et notre ami est si difficile dans le choix des individus qu'il juge dignes d'y figurer, qu'il n'en trouve pas toujours un sur cent. Il poursuivit donc, durant toute une saison, la jolie lycænide amyntas. De là le nom bucolique d'Amyntas qu'il porte fort complaisamment et dont je ne vois pas, au reste, qu'il ait sujet de se fâcher.

Le naturaliste, un savant modeste, bien que trГЁs-connu Г  Paris de tous les amateurs d'entomologie, Г©tait absorbГ©, depuis quelques jours, dans la recherche des coques de certaines chrysalides sur les branches mortes de certains arbres. De lГ  le nom pompeux de Chrysalidor, gracieusement acceptГ© par notre compagnon.

On partit par une matinГ©e trГЁs-fraГ®che, muni de provisions de bouche, Г  seules fins de gagner du temps en route, car on trouve partout Г  manger maintenant dans notre bas Berry; mais on n'y est pas encore trГЁs-vif. Le Berrichon des plaines n'est jamais pressГ©, et avec lui il faut savoir attendre.

Or, nous voulions arriver et ne pas perdre les belles heures du jour Г  voir tourner les broches, lesquelles tournent aussi gravement que les gens du pays. Quant aux tables, je doute qu'elles y tournent jamais, ou ce serait avec une nonchalance si dГ©sespГ©rante, que les plus fervents adeptes s'endormiraient au lieu de penser Г  les interroger.

Nous dГ©jeunГўmes donc sur l'herbe, dans les ruines d'une vieille forteresse, et, deux heures aprГЁs, nous quittions la route pour un chemin vicinal non achevГ©, et plus gracieux Г  la vue que facile aux voitures.

Nous avions traversГ© un pays agrГ©able, des ondulations de terrain fertile, de jolis bois penchГ©s sur de belles prairies, et partout de larges horizons bleus qui rendent l'aspect de la contrГ©e assez mГ©lancolique.

Mais je me rappelais avoir vu par lГ  un site bien autrement digne de remarque, et, quand le chemin se prГ©cipita de maniГЁre Г  nous forcer de descendre Г  pied, j'invitai mes naturalistes, fureteurs de buissons, Г  jeter les yeux sur le cadre qui les environnait.

Au milieu des vastes plateaux mouvementГ©s qui se donnent rendez-vous comme pour se toucher du pied, en s'abaissant vers une sinuositГ© cachГ©e aux regards, le sol se dГ©chire tout Г  coup, et dans une brisure d'environ deux cents mГЁtres de profondeur, revГЄtue de roches sombres ou de talus verdoyants, coule, rapide et murmurante, la Creuse aux belles eaux bleues rayГ©es de rochers blancs et de remous Г©cumeux.

C'est cette grande brisure qui se dГ©couvrait tout Г  coup au dГ©tour du chemin et qui ravissait nos regards par un spectacle aussi charmant qu'inattendu.

En cet endroit, le torrent forme un fer Г  cheval autour d'un mamelon fertile couvert de blondes moissons. Ce mamelon, inclinГ© jusqu'au lit de la Creuse, ressemble Г  un Г©boulement qui aurait coulГ© paisiblement entre les deux remparts de rochers, lesquels se relГЁvent de chaque cГґtГ© et enferment, Г  perte de vue, le cours de la riviГЁre dans les sinuositГ©s de leurs murailles dentelГ©es.

Le contraste de ces Гўpres dГ©chirements et de cette eau agitГ©e, avec la placiditГ© des formes environnantes,