Назад к книге «Le dernier chevalier» [Paul Féval]

Le dernier chevalier

Paul FГ©val

Paul FГ©val

Le dernier chevalier

I

M.В JOSEPH ET M. NICOLAS

Le roi Г©tait malade un peu; Mme la marquise de Pompadour avait В«ses vapeursВ», cette migraine du XVIIIe siГЁcle dont on s'est tant moquГ© et que nous avons remplacГ©e par la nГ©vralgie, les mГ©decins, pour leur commerce, Г©tant obligГ©s, comme les tailleurs, de trouver sans cesse des noms nouveaux aux vieilles choses. Sans cela, Г  quoi leur servirait le grec de cuisine qui les gonfle?

M. le maréchal de Richelieu, toujours jeune, malgré ses 62 ans bien sonnés, se trouvait incommodé légèrement d'un rhume de cerveau, gagné l'année précédente dans le Hanovre, lors de la signature du traité de Kloster-Seven, qui sauva l'Angleterre, rétablit les affaires de la Prusse et commença la ruine de la France. Quel joli homme c'était, ce maréchal! Et que d'esprit il avait! M. de Voltaire, qui ne l'aimait pas tous les jours, disait de lui:

«C'est de la quintessence de Français!» Bon M. de Voltaire! Il ne flattait jamais que nos ennemis.

Si vous me demandez comment le rhume de cerveau du marГ©chal durait depuis tant de mois, je vous rГ©pondrai par ce qui se chantait dans Paris:

Armand acheta sa pelisse,

(Dieu vous bГ©nisse!)

Avec l'argent

De Cumberland…

Et encore:

Armand, pour payer le maçon,

Godille frГ©tille, pompon,

Se fГ»t trouvГ© bien pauvre,

Pompon, frГ©tillon,

Sans la pГЄche de ce poisson

Qu'il prit dans le Hanovre…

Vous le connaissez bien, le délicieux coin de rue qui sourit sur notre boulevard, et qui porte encore le nom de «Pavillon de Hanovre». Ce nom fut la seule vengeance de la France contre le général d'armée philosophe qui, vainqueur et tenant le sort de l'Europe dans sa main frivole, avait pris la plume au lieu de l'épée et signé un reçu au lieu de livrer une bataille.

Mais que d'esprit et quel joli homme! Le pavillon de Hanovre coГ»ta deux millions. La France en В«faillit creverВ», selon l'expression un peu crue de l'abbГ© Terray; mais Armand, le cher Armand vГ©cut jusqu'Г  cent ans, toujours galant, toujours guilleret, de plus en plus philosophe et, pour employer son style troubadour, В«n'ayant pas encore renoncГ© Г  plaireВ». Il Г©tait nГ© coiffГ©. Il mourut la veille mГЄme de la rГ©volution, qui l'aurait gГЄnГ© dans ses habitudes, et Beaumarchais dit de lui ce mot, qui ne fut pas trouvГ© cruel: В«Fleur de dГ©crГ©pitude!В»

Mais ce n'était pas seulement ce pauvre roi Louis XV, Jeanne-Antoinette Poisson, marquise de Pompadour et Armand du Plessis, le maréchal duc de Richelieu qui ne battaient que d'une aile, le dauphin, père de Louis XVI, veillait, malade qu'il était déjà lui-même, auprès du berceau de son troisième fils, le comte d'Artois, depuis Charles X, condamné par les médecins. Sa femme, Marie-Josèphe de Saxe, ne devinait certes pas encore les angoisses de son prochain veuvage ni les soupçons sinistres qui devaient entourer sa propre agonie; mais elle avait la crainte instinctive, j'allais dire le pressentiment du poison, car elle fit visiter en secret le comte d'Artois par la Breuille, médecin de Mme Adélaïde, pour s'assurer qu'il n'était pas empoisonné.

M. de Bernis faisait ses malles de premier ministre partant, supplantГ© qu'il Г©tait par son protГ©gГ©, M. de Choiseul-Stainville, partisan de la guerre Г  outrance, destinГ© Г  conclure une dГ©sastreuse paix. M. de Bernis savait chanter le champagne et l'amour; ses Е“uvres Г©claboussent souvent sa robe. Quoiqu'il prГ®t sa retraite le sourire aux lГЁvres, vous ne pouvez pas le supposer content.

Les parlements, corps respectables, grondaient, remontraient, rГ©sistaient, travaillant de tout leur cЕ“ur Г  la rГ©volution qui allait leur couper la tГЄte; les philosophes donnaient des coups d'Г©pingle Г  l'immensitГ© de Dieu; les poГЁtes faisaient de lamentables tragГ©dies ou de petits vers honteux; Voltaire, qui, par le miracle de la bГЄtise humaine, est restГ© l'idole des В«patriotesВ», dГ©chirait sa patrie dans les billets doux qu'il Г©crivait au Prussien et crachait sur la religio