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L'oiseau blanc: conte bleu

Denis Diderot

Denis Diderot

L'oiseau blanc: conte bleu

Ce conte est de la mГЄme Г©poque que les Bijoux indiscrets. Les mГЄmes personnages s'y retrouvent, mais la licence y est beaucoup moindre. Il resta inconnu jusqu'Г  la publication qu'en fit Naigeon dans son Г©dition des Е’uvres de Diderot en 1798. C'Г©tait lui que cherchait M. Berrier, le lieutenant de police, quand M

Diderot lui rГ©pondit qu'elle ne connaissait de son mari В«ni pigeon noir, ni pigeon blanc,В» et que d'ailleurs elle ne le croyait pas capable d'attaquer le roi, comme on l'en accusait Г  l'occasion de ce conte. On jugera si la femme du philosophe avait raison. Pour nous, il ne nous paraГ®t y avoir lГ , comme dans les Bijoux, que des rapprochements trop vagues entre Mangogul et Louis XV, pour permettre de soutenir une opinion qui rendrait criminels tous les romans du XVIII

siГЁcle aussi bien que toutes les fГ©eries du XIX

. Il faut toujours qu'il arrive un moment, dans l'histoire des peuples, où, la civilisation se répandant, le principe d'autorité se montre sous son vrai jour. On s'aperçoit alors que les rois sont des hommes, et quand une fois tout le monde le sait, les écrivains qui le disent, ne faisant plus que broder un lieu commun, n'ont ni mérite ni démérite: ils n'ont qu'un peu plus ou un peu moins d'esprit.

Nous pensons n'avoir pas besoin d'expliquer au lecteur l'allГ©gorie de l'Oiseau blanc; ils l'apercevront, sans aucun doute, avant la Sultane.

PREMIÈRE SOIRÉE

La favorite se couchait de bonne heure et s'endormait fort tard. Pour hГўter le moment de son sommeil, on lui chatouillait la plante des pieds et on lui faisait des contes; et pour mГ©nager l'imagination et la poitrine des conteurs, cette fonction Г©tait partagГ©e entre quatre personnes, deux Г©mirs et deux femmes. Ces quatre improvisateurs poursuivaient successivement le mГЄme rГ©cit aux ordres de la favorite. Sa tГЄte Г©tait mollement posГ©e sur son oreiller, ses membres Г©tendus dans son lit et ses pieds confiГ©s Г  sa chatouilleuse, lorsqu'elle dit: В«Commencez;В» et ce fut la premiГЁre de ses femmes qui dГ©buta par ce qui suit.

LA PREMIГ€RE FEMME

Ah! ma sЕ“ur, le bel oiseau! Quoi! vous ne le voyez pas entre les deux branches de ce palmier passer son bec entre ses plumes et parer ses ailes et sa queue? Approchons doucement; peut-ГЄtre qu'en l'appelant il viendra; car il a l'air apprivoisГ©, В«Oiseau mon cЕ“ur, oiseau mon petit roi, venez, ne craignez rien; vous ГЄtes trop beau pour qu'on vous fasse du mal. Venez; une cage charmante vous attend; ou si vous prГ©fГ©rez la libertГ©, vous serez libre.В»

L'oiseau Г©tait trop galant pour se refuser aux agaceries de deux jeunes et jolies personnes. Il prit son vol et descendit lГ©gГЁrement sur le sein de celle qui l'avait appelГ©. Agariste, c'Г©tait son nom, lui passant sur la tГЄte une main qu'elle laissait glisser le long de ses ailes, disait Г  sa compagne: В«Ah! ma sЕ“ur, qu'il est charmant! Que son plumage est doux! qu'il est lisse et poli! Mais il a le bec et les pattes couleur de rose et les yeux d'un noir admirable!В»

LA SULTANE

Quelles Г©taient ces deux femmes?

LA PREMIГ€RE FEMME

Deux de ces vierges que les Chinois renferment dans des cloГ®tres.

LA SULTANE

Je ne croyais pas qu'il y eГ»t des couvents Г  la Chine.

LA PREMIГ€RE FEMME

Ni moi non plus. Ces vierges couraient un grand pГ©ril Г  cesser de l'ГЄtre sans permission. S'il arrivait Г  quelqu'une de se conduire maladroitement, on la jetait pour le reste de sa vie dans une caverne obscure, oГ№ elle Г©tait abandonnГ©e Г  des gГ©nies souterrains. Il n'y avait qu'un moyen d'Г©chapper Г  ce supplice, c'Г©tait de contrefaire la folle ou de l'ГЄtre. Alors les Chinois qui, comme nous et les Musulmans, ont un respect infini pour les fous, les exposaient Г  la vГ©nГ©ration des peuples sur un lit en baldaquin, et, dans les grandes fГЄtes, les promenaient dans les rues au son de petites clochettes et de je ne sais quels tambourins Г  la mode, dont on m'a dit que le son Г©tait fort harmonieux.

LA SULTANE

Continuez; fort bien, madame