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La derniГЁre Aldini

Жорж Санд

George Sand

La derniГЁre Aldini Simon

NOTICE

Les romans sont toujours plus ou moins des fantaisies, et il en est de ces fantaisies de l'imagination comme des nuages qui passent. D'oГ№ viennent les nuages, et oГ№ vont-ils?

J'ai rГЄvГ©, en me promenant Г  travers la forГЄt de Fontainebleau, tГЄte Г  tГЄte avec mon fils, Г  toute autre chose qu'Г  ce livre, que j'Г©crivais le soir dans une auberge, et que j'oubliais le matin, pour ne m'occuper que des fleurs et des papillons. Je pourrais raconter toutes nos courses et tous nos amusements avec exactitude, et il m'est impossible de dire pourquoi mon esprit s'en allait le soir Г  Venise. Je pourrais bien chercher une bonne raison; mais il sera plus sincГЁre d'avouer que je ne m'en souviens pas: il y a de cela quinze ou seize ans.

GEORGE SAND.

Nohant, 23 aoГ»t 1853.

ALLA SIGNORA CARLOTTA MARLIANI, CONSULESSA DI SPAGNA

Les mariniers de l'Adriatique ne mettent point en mer une barque neuve sans la dГ©corer de l'image de la Madone. Que votre nom, Г©crit sur cette page, soit, Гґ ma belle et bonne amie, comme l'effigie de la cГ©leste patronne, qui protГЁge un frГЄle esquif livrГ© aux flots capricieux.

GEORGE SAND.

PREMIГ€RE PARTIE

A cette Г©poque-lГ , le signor LГ©lio n'Г©tait plus dans tout l'Г©clat de sa jeunesse; soit qu'Г  force de remplir leur office gГ©nГ©reux, ses poumons eussent pris un dГ©veloppement auquel avaient obГ©i les muscles de la poitrine, soit le grand soin que les chanteurs apportent Г  l'hygiГЁne conservatrice de l'harmonieux instrument, son corps, qu'il appelait joyeusement l'Г©tui de sa voix, avait acquis un assez raisonnable degrГ© d'embonpoint. Cependant sa jambe avait conservГ© toute son Г©lГ©gance, et l'habitude gracieuse de tous ses gestes en faisait encore ce que sous l'Empire les femmes appelaient un beau cavalier.

Mais si LГ©lio pouvait encore remplir, sur les planches de la Fenice et de la Scala, l'emploi de primo uomo sans choquer ni le goГ»t ni la vraisemblance; si sa voix tout jours admirable et son grand talent le maintenaient au premier rang des artistes italiens; si ses abondants cheveux d'un beau gris de perle, et son grand oeil noir plein de feu, attiraient encore le regard des femmes, aussi bien dans les salons que sur la scГЁne, LГ©lio n'en Г©tait pas moins un homme sage, plein de rГ©serve et de gravitГ© dans l'occasion. Ce qui nous semblait Г©trange, c'est qu'avec les agrГ©ments que le ciel lui avait dГ©partis, avec les succГЁs brillants de son honorable carriГЁre, il n'Г©tait point et n'avait jamais Г©tГ© un homme Г  bonnes fortunes. Il avait, disait-on, inspirГ© de grandes passions; mais, soit qu'il ne les eut point partagГ©es, soit qu'il en eГ»t enseveli le roman dans l'oubli d'une conscience gГ©nГ©reuse, personne ne pouvait raconter l'issue dГ©licate de ces Г©pisodes mystГ©rieux. De fait, il n'avait compromis aucune femme. Les plus opulentes et les plus illustres maisons de l'Italie et de l'Allemagne l'accueillaient avec empressement; nulle part il n'avait portГ© le trouble et le scandale. Partout il jouissait d'une rГ©putation de bontГ©, de loyautГ©, de sagesse irrГ©prochable.

Pour nous artistes, ses amis et ses compagnons, il Г©tait bien aussi le meilleur et le plus estimable des hommes. Mais cette gaietГ© sereine, cette grГўce bienveillante qu'il portait dans le commerce du monde, ne nous cachaient pas absolument un fond de mГ©lancolie et l'habitude d'un chagrin secret. Un soir, aprГЁs souper, comme nous fumions le serraglio sous nos treilles embaumГ©es de Sainte-Marguerite, l'abbГ© Panorio nous parlait de lui-mГЄme, et nous disait les poГ©tiques Г©lans et les combats hГ©roГЇques de son propre coeur avec une candeur respectable et touchante. LГ©lio, gagnГ© par cet exemple et partageant notre effusion, pressГ© aussi un peu par les questions de l'abbГ© et les regards de Beppa, nous confessa enfin que l'art n'Г©tait pas la seule noble passion qu'il eГ»t connue.

В«Ed io anchГЁ! s'Г©cria-t-il avec un soupir; et moi aussi j'a