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Le lion du dГ©sert: ScГЁnes de la vie indienne dans les prairies

Gustave Aimard

Gustave Aimard

Le lion du dГ©sert: ScГЁnes de la vie indienne dans les prairies

LE LION DU DÉSERT

ScГЁnes de la vie indienne dans les prairies

I

LE RANCHO

Le presidio de Santa FГ©, le poste le plus avancГ© que possГЁdent les Mexicains dans la province de Sonora, est bГўti au milieu d'une plaine riante et fertile. Une de ses faces occupe l'ouverture du coude que forme une petite riviГЁre; il est ceint naturellement par les murs de pierre des habitations dont il est bordГ©; l'entrГ©e de chaque rue est fermГ©e par des pieux qui font palissade, et, comme dans la plupart des pueblos (villages) de l'AmГ©rique du Sud, les maisons, Г©levГ©es d'un Г©tage, sont couvertes en terrasse de terre bien battue, ce qui est un abri suffisant dans ce beau pays oГ№ le ciel est toujours pur. Au temps de la domination espagnole, Santa FГ© jouissait d'une certaine importance, grГўce Г  sa position stratГ©gique qui lui permettait de se dГ©fendre facilement contre les incursions des Indiens; mais, depuis l'Г©mancipation du Mexique, ce pueblo, comme tous les autres centres de population de ce malheureux pays, a vu sa splendeur s'Г©vanouir Г  jamais; et, malgrГ© la fertilitГ© de son sol et la magnificence de son climat, il est entrГ© dans une ГЁre de dГ©cadence telle, que le jour est prochain oГ№ ce ne sera plus qu'une ruine inhabitГ©e; en un mot, ce bourg, qui comptait, il y a cinquante ans, plus de trois mille habitants, en possГЁde aujourd'hui quatre cents Г  peine, rongГ©s par les fiГЁvres et la plus honteuse misГЁre.

Or, le 5 mars 1855, jour oГ№ commence cette histoire, entre trois et quatre heures du soir, deux cavaliers bien montГ©s entraient au grand trot dans le presidio.

Le premier Г©tait un homme de quarante-cinq Г  cinquante ans; sa taille haute, ses membres vigoureux et bien attachГ©s indiquaient une force et une agilitГ© peu communes; son teint Г©tait bronzГ©, et ses traits durs et hautains dГ©celaient presque la cruautГ©; un air de franchise qui rayonnait dans ses yeux tempГ©rait nГ©anmoins cette expression et rГ©pandait mГЄme sur sa physionomie un charme dont il Г©tait difficile de se dГ©fendre; le bas de son visage Г©tait couvert d'une barbe noire et touffue, et d'Г©paisses boucles d'une longue chevelure brune mГЄlГ©es par places de fils argentГ©s, s'Г©chappaient de son chapeau de paille Г  larges bords et tombaient en dГ©sordre sur ses fortes Г©paules. Son costume, en partie recouvert d'un zarapГ© aux mille couleurs, et d'un tissu d'une finesse extrГЄme, ressemblait Г  celui des riches hacenderos[1 - Fermiers.]. Son large pantalon de velours violet, garni d'une profusion de boutons d'or ciselГ©s avec art, et ouvert Г  la hauteur du genou, laissait voir ses bottines de daim aux talons desquelles sonnaient ces lourds Г©perons d'argent dont les molettes, larges comme des soucoupes, obligent Г  marcher sur la pointe du pied; sa veste, d'une Г©toffe et d'une couleur semblables au pantalon, ne lui descendait que de quelques pouces au-dessous des aisselles, et permettait d'entrevoir la fine chemise de batiste que fermait sur sa poitrine un superbe diamant; une ceinture de soie rouge richement brodГ©e, et dans laquelle Г©taient passГ©s un revolver Г  six coups, un poignard et une hache, lui serrait les hanches, et un rifle damasquinГ© d'argent Г©tait posГ© en travers de sa selle. Cet individu se nommait don LГіpez Arriaga.

Son compagnon portait un costume Г  peu prГЁs semblable au sien. C'Г©tait un grave et long personnage Г  la figure taillГ©e en fer de hache, et qui rГ©pondait au nom de don Juan Venado.

RГЁgle gГ©nГ©rale en AmГ©rique: depuis la guerre de l'indГ©pendance, tout le monde a le droit au don.

– Que vous ai-je annoncé, señor Venado? dit d'un ton satisfait don López à son compagnon; vous le voyez, nous arrivons juste au bon moment: personne n'est là pour nous espionner.

– Qui sait? répondit l'autre; croyez-moi, señor don López, dans les villes il y a toujours quelqu'un aux aguets pour voir ce qui ne le regarde pas, et en