Voyage au bout de la nuit / Путешествие на край ночи. Книга для чтения на французском языке
Луи-Фердинанд Селин
Роман французского писателя Луи-Фердинанда Селина «Путешествие на край ночи», написанный в 1932 году, является одним из важнейших произведений французской литературы XX в. Исповедь интеллигентного человека, представителя «потерянного поколения» прошедших сквозь ужасы Первой мировой войны и разуверившихся в жизни, была с восторгом принята частью литераторов – достаточно упомянуть Генри Миллера и Чарльза Буковски – и категорически отрицалась другими. Книга адресована всем любителям современной французской литературы.
Louis-Ferdinand Celine
Voyage au Bout de la NuIt
? Elisabeth Craig
Notre vie est un voyage
Dans l’hiver et dans la Nuit,
Nous cherchons notre passage
Dans le Ciel o? rien ne luit.
Chanson des Gardes Suisses, 1793
Voyager, c’est bien utile, ?a fait travailler l’imagination. Tout le reste n’est que dеceptions et fatigues. Notre voyage ? nous est enti?rement imaginaire. Voil? sa force.
Il va de la vie ? la mort. Hommes, b?tes, villes et choses, tout est imaginе. C’est un roman, rien qu’une histoire fictive. Littrе le dit, qui ne se trompe jamais.
Et puis d’abord tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux.
C’est de l’autre c?tе de la vie.
?a a dеbutе comme ?a. Moi, j’avais jamais rien dit. Rien. C’est Arthur Ganate qui m’a fait parler. Arthur, un еtudiant, un carabin lui aussi, un camarade. On se rencontre donc place Clichy. C’еtait apr?s le dеjeuner. Il veut me parler. Je l’еcoute. « Restons pas dehors! qu’il me dit. Rentrons! » Je rentre avec lui. Voil?. « Cette terrasse, qu’il commence, c’est pour les Cufs ? la coque! Viens par ici! » Alors, on remarque encore qu’il n’y avait personne dans les rues, ? cause de la chaleur; pas de voitures, rien. Quand il fait tr?s froid, non plus, il n’y a personne dans les rues; c’est lui, m?me que je m’en souviens, qui m’avait dit ? ce propos: « Les gens de Paris ont l’air toujours d’?tre occupеs, mais en fait, ils se prom?nent du matin au soir; la preuve, c’est que lorsqu’il ne fait pas bon ? se promener, trop froid ou trop chaud, on ne les voit plus; ils sont tous dedans ? prendre des cafеs cr?me et des bocks. C’est ainsi! Si?cle de vitesse! qu’ils disent. O? ?a? Grands changements! qu’ils racontent. Comment ?a? Rien n’est changе en vеritе. Ils continuent ? s’admirer et c’est tout. Et ?a n’est pas nouveau non plus. Des mots, et encore pas beaucoup, m?me parmi les mots, qui sont changеs! Deux ou trois par-ci, par-l?, des petits… » Bien fiers alors d’avoir fait sonner ces vеritеs utiles, on est demeurеs l? assis, ravis, ? regarder les dames du cafе.
Apr?s, la conversation est revenue sur le Prеsident Poincarе qui s’en allait inaugurer, justement ce matin-l?, une exposition de petits chiens; et puis, de fil en aiguille, sur le Temps o? c’еtait еcrit. « Tiens, voil? un ma?tre journal, le Temps! » qu’il me ta-quine Arthur Ganate, ? ce propos. « Y en a pas deux comme lui pour dеfendre la race fran?aise! – Elle en a bien besoin la race fran?aise, vu qu’elle n’existe pas! » que j’ai rеpondu moi pour montrer que j’еtais documentе, et du tac au tac.
« Si donc! qu’il y en a une! Et une belle de race! qu’il insistait lui, et m?me que c’est la plus belle race du monde et bien cocu qui s’en dеdit! » Et puis, le voil? parti ? m’engueuler. J’ai tenu ferme bien entendu.
« C’est pas vrai! La race, ce que t’appelles comme ?a, c’est seulement ce grand ramassis de miteux dans mon genre, chassieux, puceux, transis, qui ont еchouе ici poursuivis par la faim, la peste, les tumeurs et le froid, venus vaincus des quatre coins du monde. Ils ne pouvaient pas aller plus loin ? cause de la mer. C’est ?a la France et puis c’est ?a les Fran?ais.
– Bardamu, qu’il me fait alors gravement et un peu triste, nos p?res nous valaient bien, n’en dis pas de mal!..
– T’as raison, Arthur, pour ?a t’as raison! Haineux et dociles, violеs, volеs, еtripеs et couillons toujours, ils nous valaient bien! Tu peux le dire! Nous ne changeons pas! Ni de chaussettes,