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Les beaux messieurs de Bois-DorГ©

Жорж Санд

George Sand

Les beaux messieurs de Bois-DorГ©

PREMIER TOME

I

Parmi les nombreux protégés du favori Concini, don Antonio d'Alvimar, Espagnol d'origine italienne, qui signait Sciarra d'Alvimar, fut un des moins remarqués, et cependant un des plus remarquables par son esprit, son instruction et la distinction de ses manières. C'était un fort joli cavalier, dont la figure n'annonçait pas plus de vingt ans, bien qu'à cette époque il en déclarât trente. Petit plutôt que grand, robuste sans le paraître, adroit à tous les exercices, il devait intéresser les femmes par l'éclat de ses yeux vifs et pénétrants et par l'agrément de sa conversation, aussi légère et aussi charmante avec les belles dames qu'elle était nourrie et substantielle avec les hommes sérieux. Il parlait presque sans accent les principales langues de l'Europe, et n'était pas moins versé dans les langues anciennes.

MalgrГ© toutes ces apparences de mГ©rite, Sciarra d'Alvimar ne noua, dans les nombreuses intrigues de la cour de la rГ©gente, aucune intrigue personnelle; du moins, celles qu'il put rГЄver n'aboutirent pas. Il a avouГ© depuis, en intime confidence, qu'il eГ»t voulu plaire Г  Marie de MГ©dicis ni plus ni moins, et remplacer, dans les bonnes grГўces de cette reine, son propre maГ®tre et protecteur, le marГ©chal d'Ancre.

Mais la balorda, comme l'appelait Léonora Galigaï, ne fit point d'attention au petit Espagnol et ne vit en lui qu'un mince officier de fortune, un subalterne sans avenir. S'aperçut-elle, au moins, de la passion feinte ou vraie de M. d'Alvimar? C'est ce que l'histoire ne dit pas et ce que d'Alvimar lui-même n'a jamais su.

Que, par son esprit et les agrГ©ments de sa personne, cet homme eГ»t Г©tГ© capable de plaire si Concini n'eГ»t pas occupГ© les pensГ©es de la rГ©gente, c'est ce qu'il n'est pas impossible de supposer. Le Concini Г©tait parti de plus bas et n'Г©tait pas moitiГ© si intelligent que lui. Mais d'Alvimar avait en lui-mГЄme un obstacle Г  la haute fortune des courtisans, un obstacle que son ambition ne pouvait vaincre.

Il était catholique exalté, et il avait tous les défauts des méchants catholiques de l'Espagne de Philippe II. Soupçonneux, inquiet, vindicatif, implacable, il avait pourtant la foi, mais une foi sans amour et sans lumière, une croyance faussée par les passions et les haines d'une politique qui s'identifiait avec la religion, «au grand déplaisir du Dieu bon et indulgent, dont le royaume n'est pas tant de ce monde que de l'autre,» c'est-à-dire, si nous comprenons bien la pensée de l'auteur contemporain de cette histoire, qui nous renseigne de temps en temps, le Dieu dont les conquêtes doivent s'étendre dans le monde moral par la charité, et non dans le monde des faits par la violence.

On ne saurait dire si la France n'eГ»t pas subi quelque peu le rГ©gime de l'inquisition au cas oГ№ M. d'Alvimar se fГ»t emparГ© du cЕ“ur et de l'esprit de la rГ©gente; mais il n'en fut pas ainsi, et Concini, dont tout le crime fut de n'ГЄtre pas nГ© assez grand seigneur pour avoir le droit de voler et piller autant qu'un grand seigneur vГ©ritable de ce temps-lГ , demeura, jusqu'Г  sa mort tragique, l'arbitre de la politique incertaine et vГ©nale de la rГ©gente.

AprГЁs le meurtre du marГ©chal d'Ancre, d'Alvimar, qui s'Г©tait fort compromis Г  son service dans l'affaire du sergent de Paris[1 - Picard le cordonnier, sergent dans la milice bourgeoise, oГ№ il Г©tait trГЁs-influent. Concini voulant transgresser une consigne que Picard faisait respecter, le marГ©chal d'Ancre le fit bГўtonner. La fureur du peuple fut telle, que d'Ancre jugea sa vie en danger et sortit de Paris. Deux valets qui avaient servi sa vengeance furent pendus.], fut forcГ© de disparaГ®tre pour n'ГЄtre pas enveloppГ© dans le procГЁs de la LГ©onora.

Il eГ»t bien voulu se faufiler peu Г  peu dans le service du nouveau favori, le favori du roi, M. de Luynes; mais il ne sut pas s'y prendre; et, bien qu'il ne fГ»t pas plu