Correspondance, 1812-1876 — Tome 5
Жорж Санд
George Sand
Correspondance, 1812-1876 — Tome 5
DXLII
A MADAME AUGUSTINE DE BERTHOLDI, A DECIZE (NIГ€VRE)
Nohant, 2 janvier 1861.
ChГЁre enfant, C'est vrai, que je n'Г©cris plus, parce que je n'en peux plus d'Г©crire! mais tu sais bien que je ne t'oublie pas. Je suis souvent malade, je me remets sur pied pour un mois ou deux, puis je retombe. Me voilГ dans une mauvaise pГ©riode; j'aurais besoin de changer d'air et de rГ©gime; mais comment faire? Le travail ne peut pas s'arrГЄter, et il suffit tout juste aux besoins courants.
Ne parlons pas du mauvais cГґtГ© des choses, puisqu'il y en a un sГ©rieux et inГ©vitable pour tout le monde.
Je suis contente que ta fillette, cette pauvre fillette qui t'a tant fait trembler, soit enfin en bonne voie de croissance, et de vie, et que George travaille bien. C'est le bonheur immГ©diat, le plus actuel et le plus important dans ta vie. La nГґtre coule tranquille tant que notre Marc est gai et frais comme une rose. Quand viendront les bobos, les crises inГ©vitables, nous serons sens dessus dessous! Ainsi passe la vie de famille; jusqu'Г prГ©sent, Г§'a Г©tГ© tout plaisir, et la premiГЁre dent du cher petit ne l'a pas Г©prouvГ© sГ©rieusement. Lina est bonne nourrice et se tire bien d'affaire.
On travaille toujours comme des nГЁgres autour de ce berceau. Les vacances et les comГ©dies ont Г©tГ© trГЁs courtes. Beaucoup de monde, toujours trop Г la fois, dans la maison, et, comme Lina ne pouvait guГЁre s'amuser, nous avons fini les rГ©jouissances de bonne heure. Nous n'avons plus que Lambert et sa femme, qui est trГЁs gentille et excellente personne; mais ils partent ces jours-ci. Ils t'envoient mille amitiГ©s. Maurice a passГ© son jour de l'an dans son lit. Ce n'est rien heureusement, qu'une fiГЁvre de courbature. Lui et sa femme, qui est toujours trГЁs charmante et mignonne, me chargent de t'embrasser.
Merci Г Bertholdi pour ses Г©chantillons minГ©ralogiques, qui sont trГЁs beaux. Embrasse-le pour moi, ainsi que Jeannette, et Georget, quand tu le verras.
G. SAND
Pauvre Pologne! c'est navrant, c'est un deuil pour tous les coeurs.
DXLIII
A M. AUGUSTE VACQUERIE, A PARIS
Nohant, 4 janvier 1864
Je ne vous ai pas remerciГ© du plaisir que m'a causГ© Jean Baudry. J'espГ©rais le voir jouer. Mais, mon voyage Г Paris Г©tant retardГ©, je me suis dГ©cidГ©e Г le lire, non sans un peu de crainte, je l'avoue. Les piГЁces qui rГ©ussissent perdent tant Г la lecture, la plupart du temps! Eh bien, j'ai eu une charmante surprise. Votre piГЁce est de celles qu'on peut lire avec attendrissement et avec satisfaction vraie.
Le sujet est neuf, hardi et beau. Je trouve un seul reproche Г faire Г la maniГЁre dont vous l'avez dГ©roulГ© et dГ©nouГ©: c'est que la brave et bonne AndrГ©e ne se mette pas tout Г coup Г aimer Jean Г la fin, et qu'elle ne rГ©ponde pas Г son dernier mot: В«Oui, ramenez-le, car je ne l'aime plus, et votre femme l'adoptera!В» ou bien: В«GuГ©rissez-le, corrigez-le, et revenez sans lui.В»
Vous avez voulu que le sacrifice fГ»t complet de la part de Jean. Il l'Г©tait, ce me semble, sans ce dernier chГўtiment de partir sans rГ©compense.
Vous me direz: La femme n'est pas capable de ces choses-lГ . Moi, je dis: Pourquoi pas? Et je ne recule pas devant les bonnes grosses moralitГ©s: un sentiment sublime est toujours fГ©cond. Jean est sublime; voilГ que cette petite AndrГ©e, qui ne l'aimait que d'amitiГ©, se met Г l'aimer d'enthousiasme, parce que le sublime a fait vibrer en elle une force inconnue. Vous voulez remuer cette fibre dans le public, pourquoi ne pas lui montrer l'opГ©ration magnГ©tique et divine sur la scГЁne? Ce serait plus contagieux encore; on ne s'en irait pas en se disant: В«La vertu ne sert qu'Г vous rendre malheureux.В»
VoilГ ma critique. Elle est du domaine de la philosophie et n'Гґte rien Г la sympathie et aux compliments de coeur de l'artiste. Vous avez fait agir et parler un homme sublime. C'est une grande et bonne chose par le temps qui court. Je suis heureuse de votre succГЁs[1 - RГ©ponse