Discours par Maximilien Robespierre — 5 Fevrier 1791-11 Janvier 1792
Maximilien Robespierre
Maximilien Robespierre
Discours par Maximilien Robespierre — 5 Fevrier 1791-11 Janvier 1792
Principes de rГ©organisation des jurГ©s et rГ©futation du systГЁme proposГ© par M, Duport au nom des ComitГ©s de judicature et de constitution, par Maximilien Robespierre, dГ©putГ© du Pas-de-Calais Г l'AssemblГ©e nationale (5 fГ©vrier 1791)
Messieurs,
Le mot de Jurés semble réveiller l'idée de l'une des institutions sociales les plus précieuses à l'humanité: mais la chose qu'il exprime est loin d'être universellement connue, et clairement définie; ou plutôt, il est clair que, sous ce nom, on peut établir des choses essentiellement différentes par leur nature et par leurs effets. La plupart des Français n'y attachent guère aujourd'hui qu'une certaine idée vague du système anglais, qui ne leur est point parfaitement connu. Au reste, il nous importe bien moins de savoir ce qu'on fait ailleurs, que de trouver ce qu'il nous convient d'établir chez nous. Les Comités de constitution et de judicature pourraient même avoir calqué exactement une partie du plan qu'ils vous proposent sur les Jurés connus en Angleterre, et n'avoir encore rien fait pour le bien de la nation; car les avantages et les vices d'une institution dépendent presque toujours de leurs rapports avec les autres parties de la législation, avec les usages, les moeurs d'un pays, et une foule d'autres circonstances locales et particulières. On pourrait de plus les avoir modifiés de telle manière, et attachés à de telles circonstances, qu'au lieu des fruits heureux que les Anglais en auraient recueillis, les Jurés ne produisissent chez nous que des poisons mortels pour la liberté. Attachons-nous donc à la nature même de la chose, au principe de toute bonne constitution judiciaire, et de l'institution des Jurés.
Son caractГЁre essentiel, c'est que les citoyens soient jugГ©s par leurs pairs; son objet, est que les citoyens soient jugГ©s avec plus de justice et d'impartialitГ©; que leurs droits soient Г l'abri des coups du despotisme judiciaire. Comparons d'abord avec ces principes le systГЁme des ComitГ©s. C'est pour avoir de vГ©ritables jurГ©s, que je vais prouver qu'ils ne nous en prГ©sentent que le masque et le fantГґme.
Dans l'Г©tendue d'un dГ©partement, deux cents citoyens seront pris, seulement, parmi ceux qui paient la contribution exigГ©e pour ГЄtre Г©ligibles aux places administratives. Ces deux cents Г©ligibles seront choisis par le procureur-gГ©nГ©ral syndic de l'administration du dГ©partement. Sur ces deux cents, douze seront tirГ©s au sort; ce sont ces douze qui, sous le titre de jurГ©s de jugement, dГ©cideront si le crime a Г©tГ© commis, si l'accusГ© est coupable. Il faut observer seulement que, sur les deux cents Г©ligibles qui formaient la liste des jurГ©s, l'accusateur public et l'accusГ© ont Г©galement la facultГ© d'en rГ©cuser chacun vingt.
Maintenant, pour embrasser l'ensemble du systГЁme, pour en saisir l'esprit, et en calculer les effets, il faut rapprocher de cette organisation des jurГ©s celle du tribunal qui doit intervenir dans les procГЁs criminels et prononcer la peine.
Un tribunal criminel, unique par chaque dГ©partement, composГ© de juges pris Г tour de rГґle, et tous les trois mois, parmi les membres du tribunal de district que renfermera le dГ©partement.
A la tГЄte de ce tribunal, un magistrat permanent, un prГ©sident, nommГ© pour l'espace de douze annГ©es, qui, indГ©pendamment des fonctions de juge, est seul revГЄtu d'une autoritГ© infiniment Г©tendue, que nous ferons connaГ®tre dans la suite.
Contentons-nous maintenant de dГ©velopper les vices cachГ©s, pour ainsi dire, dans la combinaison des dispositions que nous venons d'annoncer.
Quels sont-ils, ces jurГ©s, ces hommes appelГ©s Г dГ©cider de la condamnation ou du salut des accusГ©s? Deux cents citoyens choisis par le procureur-syndic du dГ©partement. VoilГ donc un seul homme, un officier d'administration maГ®tre