Les Quarante-Cinq — Tome 2
Alexandre Dumas
Alexandre Dumas
Les Quarante-Cinq — Tome 2
XXXII
MESSIEURS LES BOURGEOIS DE PARIS
M. de Mayenne, dont on s'occupait tant au Louvre, et qui s'en doutait si peu, partit de l'hГґtel de Guise par une porte de derriГЁre, et tout bottГ©, Г cheval, comme s'il arrivait seulement de voyage, il se rendit au Louvre, avec trois gentilshommes.
M. d'Г‰pernon, averti de sa venue, fit annoncer la visite au roi.
M. de Loignac, prГ©venu de son cГґtГ©, avait fait donner un second avis aux quarante-cinq: quinze se tenaient donc, comme il Г©tait convenu, dans les antichambres; quinze dans la cour et quatorze au logis.
Nous disons quatorze, parce qu'Ernauton ayant, comme on le sait, reçu une mission particulière, ne se trouvait point parmi ses compagnons.
Mais comme la suite de M. de Mayenne n'était de nature à inspirer aucune crainte, la seconde compagnie reçut l'autorisation de rentrer à la caserne.
M. de Mayenne, introduit prГЁs de Sa MajestГ©, lui fit avec respect une visite que le roi accueillit avec affection.
— Eh bien! mon cousin, lui demanda le roi, vous voilà donc venu visiter Paris?
— Oui, sire, dit Mayenne; j'ai cru devoir venir, au nom de mes frères et au mien, rappeler à Votre Majesté qu'elle n'a pas de plus fidèles sujets que nous.
— Par la mordieu! dit Henri, la chose est si connue, qu'à part le plaisir que vous savez me faire en me visitant, vous pouviez, en vérité, vous épargner ce petit voyage.
Il faut bien certainement qu'il y ait eu une autre cause.
— Sire, j'ai craint que votre bienveillance pour la maison de Guise ne fût altérée par les bruits singuliers que nos ennemis font circuler depuis quelque temps.
— Quels bruits? demanda le roi avec cette bonhomie qui le rendait si dangereux aux plus intimes.
— Comment! demanda Mayenne un peu déconcerté, Votre Majesté n'aurait rien ouï dire qui nous fût défavorable?
— Mon cousin, dit le roi, sachez, une fois pour toutes, que je ne souffrirais pas qu'on dit ici du mal de MM. de Guise; et comme on sait cela mieux que vous ne paraissez le savoir, on n'en dit pas, duc.
— Alors, sire, dit Mayenne, je ne regretterai pas d'être venu, puisque j'ai eu le bonheur de voir mon roi et de le trouver en pareilles dispositions; seulement, j'avouerai que ma précipitation aura été inutile.
— Oh! duc, Paris est une bonne ville d'où l'on a toujours quelque service à tirer, fit le roi.
— Oui, sire, mais nous avons nos affaires à Soissons.
— Lesquelles, duc?
— Celles de Votre Majesté, sire.
— C'est vrai, c'est vrai, Mayenne: continuez donc à les faire comme vous ayez commencé; je sais apprécier et reconnaître comme il faut la conduite de mes serviteurs.
Le duc se retira en souriant.
Le roi rentra dans sa chambre en se frottant les mains.
Loignac fГ®t un signe Г Ernauton qui dit un mot Г son valet et se mit Г suivre les quatre cavaliers.
Le valet courut Г l'Г©curie, et Ernauton suivit Г pied.
Il n'y avait pas de danger de perdre M. de Mayenne; l'indiscrГ©tion de Perducas de Pincorney avait fait connaГ®tre l'arrivГ©e Г Paris d'un prince de la maison de Guise. A cette nouvelle, les bons ligueurs avaient commencГ© Г sortir de leurs maisons et Г Г©venter sa trace.
Mayenne n'Г©tait pas difficile Г reconnaГ®tre Г ses larges Г©paules, Г sa taille arrondie et Г sa barbe en Г©cuelle, comme dit l'Г‰toile.
On l'avait donc suivi jusqu'aux portes du Louvre, et, lГ , les mГЄmes compagnons l'attendaient pour le reprendre Г sa sortie et l'accompagner jusqu'aux portes de son hГґtel.
En vain Mayneville Г©cartait les plus zГ©lГ©s en leur disant:
— Pas tant de feu, mes amis, pas tant de feu; vrai Dieu! vous allez nous compromettre.
Le duc n'en avait pas moins une escorte de deux ou trois cents hommes lorsqu'il arriva Г l'hГґtel Saint-Denis oГ№ il avait Г©lu domicile.
Ce fut une grande facilitГ© donnГ©e Г Ernauton de suivre le duc, sans ГЄtre remarquГ©.
Au moment oГ№ le duc rentrait et oГ№ il se retournait pour saluer, dans un des gentilshommes qu