Jacques le fataliste et son maГ®tre
Denis Diderot
Denis Diderot
Jacques le fataliste et son maГ®tre
NOTICE PRÉLIMINAIRE
Comme le Neveu de Rameau, Jacques le Fataliste fut connu en Allemagne avant de l'ГЄtre en France. Schiller en avait traduit, en 1785, l'Г©pisode de Mme de La Pommeraye, sous ce titre: Vengeance de femme, pour le journal Thalie[1 - Cette traduction fut retraduite en franГ§ais sous ce titre: Exemple singulier de la vengeance d'une femme, conte moral, ouvrage posthume de Diderot. Londre (sic) 1793, in-18 de 99 pages, y compris le titre; avec un avertissement.]. Il en tenait la copie de M. de Dalberg. Il parut, en 1792, une traduction du roman sous ce titre: Jacob und sein Herr (Jacques et son MaГ®tre), par Mylius. Le traducteur disait: В«Jacques le Fataliste est une des piГЁces les plus prГ©cieuses de la succession littГ©raire non imprimГ©e de Diderot. Ce petit roman sera difficilement publiГ© dans la langue de l'auteur. Il en existe bien une vingtaine de copies en Allemagne, mais comme en dГ©pГґt. Elles doivent ГЄtre conservГ©es secrГЁtement et n'ГЄtre jamais mises au jour. Une de ces copies a Г©tГ© communiquГ©e au traducteur, sous la promesse solennelle de ne pas confier le texte franГ§ais Г la presse[2 - Rosenkranz, Diderot's Leben und Werke, t. II, p. 316.].В»
Deux ans plus tard, l'Institut de France s'organisait. Un de ses premiers soins fut de s'occuper de dresser une sorte de bilan des richesses perdues de la littГ©rature franГ§aise. On s'inquiГ©ta, entre autres choses, d'un chant de Ver-Vert intitulГ© l'Ouvroir, qu'on crut ГЄtre entre les mains du prince Henri de Prusse. Ce prince, qui, aprГЁs avoir montrГ© qu'il Г©tait bon capitaine, dut se rГ©fugier dans une demi-obscuritГ© pour ne pas risquer de trop dГ©plaire Г FrГ©dГ©ric II, son frГЁre, occupait noblement ses loisirs en cultivant les lettres, les arts et les sciences. Il Г©tait un des souscripteurs Г la Correspondance de Grimm. Il s'intГ©ressait particuliГЁrement Г Diderot. La lectrice de sa femme, Mme de PrГ©montval, dont il sera question dans le roman, avait pu lui en parler de visu. Ce n'est pas cependant par elle, comme l'a cru l'Г©diteur BriГЁre, qu'il eut communication de Jacques le Fataliste, puisqu'elle Г©tait morte plusieurs annГ©es avant que ce livre fГ»t Г©crit. Il en possГ©dait une copie au mГЄme titre que la vingtaine d'autres personnes dont parle Mylius. Seulement, il ne se crut pas obligГ© Г la tenir secrГЁte, et, en rГ©ponse Г la demande du chant de Ver-Vert qu'il n'avait pas, il offrit Jacques le Fataliste, qu'il avait. Il reГ§ut des remercГ®ments, et on le pria de mettre Г exГ©cution cette louable intention. Il rГ©pondit par cette nouvelle lettre:
В«J'ai reГ§u la lettre que vous m'avez adressГ©e. L'Institut national ne me doit aucune reconnaissance pour le dГ©sir sincГЁre que j'ai eu de lui prouver mon estime: l'empressement que j'aurais eu de lui envoyer le manuscrit qu'il dГ©sirait, s'il eГ»t Г©tГ© en ma puissance, en est le garant. On ne peut pas rendre plus de justice aux grandes vues qui l'animent pour mieux diriger les connaissances de l'humanitГ©.
В«Je regrette la perte que fait la littГ©rature de ne pouvoir jouir des Е“uvres complГЁtes de Gresset, cet auteur ayant une rГ©putation si justement mГ©ritГ©e. J'ai fait remettre au citoyen Caillard, ministre plГ©nipotentiaire de la RГ©publique franГ§aise, le manuscrit de Jacques le Fataliste. J'espГЁre que l'Institut national en sera bientГґt en possession. Je suis, avec les sentiments qui vous sont dus, votre affectionnГ©,
В В В В В«Henri.В»
L'ouvrage parut chez Buisson en 2 vol. in-8Вє (an V, 1796), 4 figures non signГ©es. Il fut rГ©imprimГ© la mГЄme annГ©e, chez le mГЄme libraire, en 3 vol. in-12, fig.; en 1797, chez Gueffier jeune et Knapen fils, 3 vol. in-18, 3 fig., et chez Bertin, 4 vol. in-18, 4 fig. et un frontispice de Chailloux, gravГ© par Bovinet; en 1798, chez Maradan, 2 vol. in-12; en 1799, chez Leprieur, 4 vol. in-18, 4 fig. assez jolies non signГ©es; en 1822, in-18; en 1830, in-12; en 1849, in-4Вє illust