MГ©moires inГ©dits de Mademoiselle George, publiГ©s d'aprГЁs le manuscrit original
Marguerite-JoseМЃphine Weimer
Marguerite-JoseМЃphine Weimer
MГ©moires inГ©dits de Mademoiselle George, publiГ©s d'aprГЁs le manuscrit original
PRÉFACE DE L'ÉDITEUR
Il est toujours trГЁs ennuyeux de parler de soi. Je suis pourtant obligГ© de le faire au dГ©but de cette prГ©face.
Quelques personnes s'Г©tonneront sans doute de voir les mГ©moires d'une comГ©dienne publiГ©s par les soins d'un homme qui, pendant de longues annГ©es, a Г©tГ© investi d'une fonction grave: avouГ© prГЁs le tribunal civil de la Seine, et mГЄme, en 1893, prГ©sident de la Compagnie des avouГ©s. Deux mots d'explication sont nГ©cessaires pour dissiper cette surprise, et pallier cette apparente contradiction.
Dès mon enfance, j'étais reçu chez Alexandre Dumas père, dont le fils a été plus tard un de mes plus intimes amis. Par l'auteur de Monte-Cristo, il me fut donné d'entendre ou de connaître les plus grands comédiens et comédiennes de cette époque: Frédérick Lemaître, Rachel, Geffroy, Mélingue, Laferrière, Rouvière, Augustine et Madeleine Brohan, d'autres encore. C'est de ce moment que date mon goût pour le théâtre.
Un peu plus tard, l'amour de la peinture s'Г©veillait en moi. J'avais pour ami un jeune peintre, Г©lГЁve d'Henri Lehmann. Nous allions ensemble passer au Louvre tous mes jours de congГ©.
Enfin, la musique, qui est devenue une des passions de ma vie, m'appelait à elle. Je n'étais pas encore un wagnérien; Richard Wagner était inconnu en France. Je me souviens des stations interminables que je m'imposais à l'Opéra de la rue Le Peletier, pour avoir une bonne place d'amphithéâtre et entendre une des œuvres de Meyerbeer, qui suffisaient alors à mon admiration.
C'est avec ces goûts artistiques et un insatiable besoin de lecture que je suis arrivé au Palais. Le hasard—un heureux hasard—a fait de moi un avoué en 1865. Que je fusse un peu différent de mes rigides confrères, j'essaierais vainement de le nier. Mais je savais le droit, j'aimais la lutte, j'avais le sens et l'instinct des affaires, un certain don d'observation, une grande mémoire, une facilité de travail que j'ai conservée jusque dans la vieillesse. Je crois même que, loin de me nuire, mes facultés d'artiste et de psychologue m'ont beaucoup servi. Quoi qu'il en soit, le succès, pendant quarante ans de suite, a surpassé mes espérances et mes très faibles mérites.
Aujourd'hui, l'heure de la retraite a sonnГ©. Je reviens Г mes Г©tudes et Г mes goГ»ts d'autrefois; pour mieux dire, jamais ils n'avaient Г©tГ© abandonnГ©s. J'ai pour ma vieillesse une derniГЁre ambition; non pas certes la prГ©tention orgueilleuse de devenir un Г©crivain. On n'acquiert pas, aprГЁs soixante ans, un talent de style. Je voudrais seulement dire Г mes contemporains, le plus simplement du monde, un peu de ce que je sais, de ce que j'ai vu, et de ce que je pense sur certains sujets. J'y prendrai plaisir, et je m'efforcerai de ne pas ennuyer trop ceux qui voudront bien me lire et m'Г©couter.
AprГЁs ce long prГ©ambule, je reviens Г Mlle George.
Lorsque j'achetai ses manuscrits, des amis, des artistes, me firent promettre de les publier. Je n'ai pas eu jusqu'ici le loisir et la possibilitГ© de le faire. Je viens tenir ma promesse. Je commence par ces amusants mГ©moires les quelques publications que je voudrais laisser aprГЁs moi, si la Nature, qui me fut clГ©mente, me laisse quelque temps encore la force et la santГ©.
Disons d'abord ce que sont ces mГ©moires, quelle est leur origine et leur histoire.
C'est le 31 janvier 1903 que j'achetai le manuscrit en vente publique. Cette vente, dont on trouvera le catalogue à la fin de ce volume, était bien curieuse. A côté des mémoires de l'artiste, on y voyait figurer toute sorte d'oripeaux tragiques: la couronne de Rodogune, celle de Mérope, celle de Marguerite de Bourgogne, celle de Sémiramis, celle de Marie Tudor, que M. Paul Meurice a rachetée, et qu'il a offerte à la Comédie-Française. Il y avait aussi la bibliothèq