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Le Bossu Volume 2

Paul FГ©val

Paul FГ©val

Le Bossu Volume 2 / Aventures de Cape et d'Г‰pГ©e

L'HГ”TEL DE NEVERS

(SUITE.)

IV

– Largesses. —

Ce devait être un bossu de beaucoup d'esprit, malgré l'extravagance qu'il commettait en ce moment. Il avait l'œil vif et le nez aquilin. Son front se dessinait bien sous sa perruque grotesquement révoltée, et le sourire fin qui raillait autour de ses lèvres annonçait une malice d'enfer.

Un vrai bossu!

Quant Г  la bosse elle-mГЄme, elle Г©tait riche, bien plantГ©e au milieu du dos, et se relevant pour caresser la nuque.

Par devant, le menton touchait la poitrine. Les jambes Г©taient bizarrement contournГ©es, mais n'avaient point cette maigreur proverbiale qui est l'accompagnement obligГ© de la bosse.

Cette singuliГЁre crГ©ature portait un costume noir complet, de la plus rigoureuse dГ©cence, manchettes et jabot de mousseline plissГ©e d'une Г©clatante blancheur.

Tous les regards Г©taient fixГ©s sur lui, et cela ne semblait point l'incommoder.

– Bravo, sage Ésope! s'écria Chaverny; tu me parais un spéculateur hardi et adroit!

– Hardi… répéta Ésope en le regardant fixement, assez; adroit… nous verrons bien!

Sa petite voix grinçait comme une crécelle d'enfant.

Tout le monde rГ©pГ©ta:

– Bravo, Ésope! bravo!

Cocardasse et Passepoil ne pouvaient plus s'Г©tonner de rien. Leurs bras Г©taient tombГ©s depuis longtemps; mais le Gascon demanda tout bas:

– N'avons-nous jamais connu de bossu, mon bon?

– Pas que je me souvienne.

– Vivadiou! il me semble que j'ai vu ces yeux-là quelque part.

Gonzague aussi regardait le petit homme avec une remarquable attention.

– L'ami, dit-il, on paye comptant, vous savez?

– Je sais, répondit Ésope; car, à dater de ce moment, il n'eut plus d'autre nom.

Chaverny Г©tait son parrain.

Г‰sope tira un portefeuille de sa poche et mit aux mains de Peyrolles soixante billets d'Г‰tat de cinq cents livres.

On s'attendait presque Г  voir ces papiers se changer en feuilles sГЁches, tant l'apparition du petit homme avait Г©tГ© fantastique.

Mais c'Г©taient de belles et bonnes cГ©dules de la Banque.

– Mon reçu? dit-il.

Peyrolles lui donna son reçu.

Г‰sope le plia et le mit dans son portefeuille, Г  la place des billets. Puis, frappant sur le carnet:

– Bonne affaire! dit-il. A vous revoir, messieurs!

Il salua bien poliment Gonzague et la compagnie.

Tout le monde s'Г©carta pour le laisser passer.

On riait encore, mais je ne sais quel froid courait dans toutes les veines. Gonzague Г©tait pensif.

Peyrolles et ses gens commençaient à faire sortir les acheteurs, qui déjà eussent voulu être au lendemain. Les amis du prince regardaient encore et machinalement la porte par où le petit homme noir venait de disparaître.

– Messieurs, dit Gonzague, pendant qu'on va disposer la salle, je vous prie de me suivre dans mes appartements.

– Allons! fit Cocardasse derrière la draperie, c'est le moment ou jamais… marchons!

– J'ai peur, fit le timide Passepoil.

– Eh donc! je passerai le premier.

Il prit Passepoil par la main et s'avança vers Gonzague, chapeau bas.

– Parbleu! s'écria Chaverny en les apercevant, mon cousin a voulu nous donner la comédie!.. c'est la journée des mascarades… Le bossu n'était pas mal; mais voici bien la plus belle paire de coupe-jarrets que j'aie vue de ma vie!

Cocardasse junior le regarda de travers. Navailles, Oriol et consorts se mirent Г  tourner autour de nos deux amis en les considГ©rant curieusement.

– Sois prudent! murmura Passepoil à l'oreille du Gascon.

– Capédébiou! fit ce dernier, ceux-ci n'ont-ils jamais vu deux gentilshommes, qu'ils nous dévisagent ainsi?

– Le grand est de toute beauté! dit Navailles.

– Moi, repartit Oriol, j'aime mieux le petit!

– Il n'y a plus de niche à louer; que viennent-ils faire?

Heureusement qu'ils arrivaient auprès de Gonzague, qui les aperçut et tressaillit.

– Ah! fit-il, que veulent ces braves?

Cocardasse salua avec cette grГўce noble qui accompagnait chacune de ses act