Назад к книге «Les Cenci» [Стендаль (Мари-Анри Бейль)]

Les Cenci

Stendhal

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Les Cenci

LES CENCI

Chroniques italiennes

(1839)

Le don Juan de MoliГЁre est galant sans doute, mais avant tout il est homme de bonne compagnie; avant de se livrer au penchant irrГ©sistible qui l'entraГ®ne vers les jolies femmes, il tient Г  se conformer Г  un certain modГЁle idГ©al, il veut ГЄtre l'homme qui serait souverainement admirГ© Г  la cour d'un jeune roi galant et spirituel.

Le don Juan de Mozart est déjà plus près de la nature, et moins français, il pense moins à l'opinion des autres; il ne songe pas avant tout, à parestre, comme dit le baron de Foeneste, de d'Aubigné. Nous n'avons que deux portraits du don Juan d'Italie, tel qu'il dut se montrer, en ce beau pays, au seizième siècle, au début de la civilisation renaissante.

De ces deux portraits, il en est un que je ne puis absolument faire connaГ®tre, le siГЁcle est trop collet montГ©; il faut se rappeler ce grand mot que j'ai ouГЇ rГ©pГ©ter bien des fois Г  lord Byron: This age of cant. Cette hypocrisie si ennuyeuse et qui ne trompe personne a l'immense avantage de donner quelque chose Г  dire aux sots; ils se scandalisent de ce qu'on a osГ© dire telle chose; de ce qu'on a osГ© rire de telle autre, etc. Son dГ©savantage est de raccourcir infiniment le domaine de l'histoire.

Si le lecteur a le bon goût de me le permettre, je vais lui présenter, en toute humilité, une notice historique sur le second des don Juan, dont il est possible de parler en 1837; il se nommait François Cenci.

Pour que le don Juan soit possible, il faut qu'il y ait de l'hypocrisie dans le monde. Le don Juan eГ»t Г©tГ© un effet sans cause de l'antiquitГ©; la religion Г©tait une fГЄte, elle exhortait les hommes au plaisir, comment aurait-elle flГ©tri des ГЄtres qui faisaient d'un certain plaisir leur unique affaire? Le gouvernement seul parlait de s'abstenir; il dГ©fendait les choses qui pouvaient nuire Г  la patrie, c'est-Г -dire Г  l'intГ©rГЄt bien entendu de tous, et non ce qui peut nuire Г  l'individu qui agit.

Tout homme qui avait du goГ»t pour les femmes et beaucoup d'argent pouvait ГЄtre un don Juan dans AthГЁnes, personne n'y trouvait Г  redire; personne ne professait que cette vie est une vallГ©e de larmes et qu'il y a du mГ©rite Г  se faire souffrir.

Je ne pense par que le don Juan athГ©nien pГ»t arriver jusqu'au crime aussi rapidement que le don Juan des monarchies modernes; une grande partie du plaisir de celui-ci consiste Г  braver l'opinion, et il a dГ©butГ©, dans sa jeunesse, par s'imaginer qu'il bravait seulement l'hypocrisie.

Violer les lois dans la monarchie Г  la Louis XV, tirer un coup de fusil Г  un couvreur, et le faire dГ©gringoler du haut de son toit, n'est-ce pas une preuve que l'on vit dans la sociГ©tГ© du prince, que l'on est du meilleur ton, et que l'on se moque fort du juge? Se moquer du juge, n'est-ce pas le premier pas, le premier essai de tout petit don Juan qui dГ©bute?

Parmi nous, les femmes ne sont plus à la mode, c'est pourquoi les don Juan sont rares; mais quand il y en avait, ils commençaient toujours par chercher des plaisirs fort naturels, tout en se faisant gloire de braver ce qui leur semblait des idées non fondées en raison dans la religion de leurs contemporains. Ce n'est que plus tard, et lorsqu'il commence à se pervertir, que le don Juan trouve une volupté exquise à braver les opinions qui lui semblent à lui-même justes et raisonnables.

Ce passage devait ГЄtre fort difficile chez les anciens, et ce n'est guГЁre que sous les empereurs romains, et aprГЁs TibГЁre et CaprГ©e, que l'on trouve des libertins qui aiment la corruption pour elle-mГЄme, c'est-Г -dire pour le plaisir de braver les opinions raisonnables de leurs contemporains.

Ainsi c'est Г  la religion chrГ©tienne que j'attribue la possibilitГ© du rГґle satanique de don Juan. C'est sans doute cette religion qui enseigna au monde qu'un pauvre esclave, qu'un gladiateur avait une Гўme absolument Г©gale en facultГ© Г  celle de CГ©sar lui-mГЄme; ainsi, il faut la remercier de l'apparition de sentiments dГ©licats; je ne doute pa