Назад к книге «Vie de Molière» [Франсуа-Мари Аруэ Вольтер]

Vie de MoliГЁre

Voltaire

Voltaire

Vie de MoliГЁre

VIE DE MOLIERE

PAR VOLTAIRE

Le goГ»t de bien des lecteurs pour les choses frivoles, et l'envie de faire un volume de ce qui ne devrait remplir que peu de pages, sont cause que l'histoire des hommes cГ©lГЁbres est presque toujours gГўtГ©e par des dГ©tails inutiles et des contes populaires aussi faux qu'insipides. On y ajoute souvent des critiques injustes de leurs ouvrages. C'est ce qui est arrivГ© dans l'Г©dition de Racine faite Г  Paris en 1728. On tГўchera d'Г©viter cet Г©cueil dans cette courte histoire de la vie de MoliГЁre; on ne dira de sa propre personne que ce qu'on a cru vrai et digne d'ГЄtre rapportГ©, et on ne hasardera sur ses ouvrages rien qui soit contraire aux sentiments du public Г©clairГ©.

Jean-Baptiste Poquelin naquit Г  Paris en 1620, dans une maison qui subsiste encore sous les piliers des halles. Son pГЁre, Jean-Baptiste Poquelin, valet de chambre tapissier chez le roi, marchand fripier, et Anne Boutet, sa mГЁre, lui donnГЁrent une Г©ducation trop conforme Г  leur Г©tat, auquel ils le destinaient: il resta jusqu'Г  quatorze ans dans leur boutique, n'ayant rien appris, outre son mГ©tier, qu'un peu Г  lire et Г  Г©crire. Ses parents obtinrent pour lui la survivance de leur charge chez le roi; mais son gГ©nie l'appelait ailleurs. On a remarquГ© que presque tous ceux qui se sont fait un nom dans les beaux-arts les ont cultivГ©s malgrГ© leurs parents, et que la nature a toujours Г©tГ© en eux plus forte que l'Г©ducation.

Poquelin avait un grand-pГЁre qui aimait la comГ©die, et qui le menait quelquefois Г  l'hГґtel de Bourgogne. Le jeune homme sentit bientГґt une aversion invincible pour sa profession. Son goГ»t pour l'Г©tude se dГ©veloppa; il pressa son grand-pГЁre d'obtenir qu'on le mГ®t au collГЁge, et il arracha enfin le consentement de son pГЁre, qui le mit dans une pension, et l'envoya externe aux jГ©suites, avec la rГ©pugnance d'un bourgeois qui croyait la fortune de son fils perdue s'il Г©tudiait.

Le jeune Poquelin fit au collГЁge les progrГЁs qu'on devait attendre de son empressement Г  y entrer. Il y Г©tudia cinq annГ©es; il y suivit le cours des classes d'Armand de Bourbon, premier prince de Conti, qui depuis fut le protecteur des lettres et de MoliГЁre.

Il y avait alors dans ce collГЁge deux enfants qui eurent depuis beaucoup de rГ©putation dans le monde. C'Г©taient Chapelle et Bernier; celui-ci connu par ses voyages aux Indes, et l'autre cГ©lГЁbre par quelques vers naturels et aisГ©s, qui lui ont fait d'autant plus de rГ©putation qu'il ne rechercha pas celle d'auteur.

L'Huillier, homme de fortune, prenait un soin singulier de l'Г©ducation du jeune Chapelle, son fils naturel; et, pour lui donner de l'Г©mulation, il faisait Г©tudier avec lui le jeune Bernier, dont les parents Г©taient mal Г  leur aise. Au lieu mГЄme de donner Г  son fils naturel un prГ©cepteur ordinaire et pris au hasard, comme tant de pГЁres en usent avec un fils lГ©gitime qui doit porter leur nom, il engagea le cГ©lГЁbre Gassendi Г  se charger de l'instruire.

Gassendi ayant dГ©mГЄlГ© de bonne heure le gГ©nie de Poquelin, l'associa aux Г©tudes de Chapelle et de Bernier. Jamais plus illustre maГ®tre n'eut de plus dignes disciples. Il leur enseigna sa philosophie d'Epicure, qui, quoique aussi fausse que les autres, avait au moins plus de mГ©thode et plus de vraisemblance que celle de l'Г©cole, et n'en avait pas la barbarie.

Poquelin continua de s'instruire sous Gassendi. Au sortir du collège, il reçut de ce philosophe les principes d'une morale plus utile que sa physique, et il s'écarta rarement de ces principes dans le cours de sa vie.

Son pГЁre Г©tant devenu infirme et incapable de servir, il fut obligГ© d'exercer les fonctions de son emploi auprГЁs du roi. Il suivit Louis XIII dans le voyage que ce monarque fit en Languedoc en 1641; et, de retour Г  Paris, sa passion pour la comГ©die, qui l'avait dГ©terminГ© Г  faire ses Г©tudes, se rГ©veilla avec force.

Le théâtre commenГ§ait Г  fleurir alors: cette partie des belles-lettres, si mГ©prisГ©e quand elle est mГ