Назад к книге «Tamaris» [Жорж Санд]

Tamaris

Жорж Санд

George Sand

Tamaris

I

En mars 1860, je venais d'accompagner de Naples Г  Nice, en qualitГ© de mГ©decin, le baron de la Rive, un ami de mon pГЁre, un second pГЁre pour moi. Le baron Г©tait riche et gГ©nГ©reux; mais je m'Г©tais fait un devoir de lui consacrer gratis les premiГЁres annГ©es de ma carriГЁre mГ©dicale: il avait sauvГ© ma famille de plus d'un dГ©sastre, nous lui devions tout. Il se vit contraint d'accepter mon dГ©vouement, et il l'accepta de bonne grГўce, comme un grand cЕ“ur qu'il Г©tait. Atteint, deux ans auparavant, d'une maladie assez grave, il avait recouvrГ© la santГ© en Italie; mais je lui conseillai d'attendre Г  Nice les vrais beaux jours de l'annГ©e pour s'exposer de nouveau au climat de Paris. Il suivait ma prescription; il s'Г©tablissait lГ  pour deux mois encore et me rendait ma libertГ©, dont, au reste, la privation s'Г©tait peu fait sentir, grГўce au commerce agrГ©able de mon vieux ami et au charme du voyage. Ayant quelques intГ©rГЄts Г  surveiller en Provence, une petite succession de famille Г  liquider pour le compte de mes parents, Г©tablis en Auvergne, je m'arrГЄtai Г  Toulon et j'y passai trois mois, durant lesquels se dГ©roulГЁrent les Г©vГ©nements intimes que je vais raconter.

M. de la Rive ayant dГ©jГ  fait un sГ©jour forcГ© de plusieurs semaines dans cette ville au dГ©but de son voyage, je m'Г©tais liГ© avec quelques personnes, et le pays ne m'Г©tait pas complГ©tement Г©tranger. Parmi ces amitiГ©s passagГЁrement nouГ©es, il en Г©tait une dont le souvenir m'attirait particuliГЁrement, et j'appris avec un grand plaisir, dГЁs mon arrivГ©e, que l'enseigne la Florade Г©tait passГ© lieutenant de vaisseau, et se trouvait Г  bord du navire de guerre la Bretagne, dans la rade de Toulon. La Florade Г©tait un ProvenГ§al Г©levГ© sur la mer et dГ©barrassГ© en apparence de sa couleur locale, mais toujours ProvenГ§al de la tГЄte aux pieds, c'est-Г -dire trГЁs-actif et trГЁs-vivant d'esprit, de sentiments, de caractГЁre et d'organisation physique. C'Г©tait pour moi un type de sa race dans ce qu'elle a de meilleur et de plus distinguГ©. J'ai connu peu de natures aussi heureusement douГ©es. Il Г©tait plutГґt petit que grand, bien pris, large d'Г©paules, adroit et fort; la figure Г©tait charmante d'expression, la bouche grande, ornГ©e de dents magnifiques, la mГўchoire un peu large et carrГ©e, sans ГЄtre lourde, la face carrГ©e aussi, les pommettes hautes, le cou blanc, fort et admirablement attachГ©, la chevelure abondante, soyeuse, un peu trop frisГ©e malgrГ© le soin qu'il prenait de contrarier ce caprice obstinГ© de la nature; le nez Г©tait petit, sec et bien fait, l'Е“il d'un cristal verdГўtre, clair et perГ§ant, avec des moiteurs soudaines et attendries, des sourcils bruns bien arquГ©s, et autour des paupiГЁres un large ton bistrГ© qui devenait d'un rose vif Г  la moindre Г©motion. C'Г©tait lГ  un trait caractГ©ristique, moyennant lequel on eГ»t pu le spГ©cifier dans un signalement et que je n'ai vu que chez lui: bizarrerie plutГґt que beautГ©; mais ses yeux y gagnaient une lumiГЁre et une expression extraordinaires. Sa physionomie en recevait cette mobilitГ© que j'ai toujours aimГ©e et prisГ©e comme l'indice d'une plГ©nitude et d'une sincГ©ritГ© d'impressions rebelles Г  toute contrainte et incapables de toute hypocrisie.

Tel qu'il était, sans être un fade ou insolent joli garçon, il se faisait remarquer et plaisait à première vue. Ses manières vives, cordiales, un peu turbulentes, et empreintes à chaque instant d'une sensibilité facile, répondaient au charme de sa figure. Son intelligence rapide, nette, propre à chercher et à retenir, – deux facultés généralement exclusives l'une et l'autre, – faisait de lui un excellent marin qui eût pu être aussi bien un artiste, un industriel, un avocat, un colonel de hussards, un poëte. Il avait cette espèce d'aptitude universelle qui est propre aux Français du Midi, race grecque mêlée de gaulois et de romain; intelligences plus étendues en superficie qu'en profondeur, on p