Les MystГЁres du Louvre
Octave FГ©rГ©
Octave FГ©rГ©
Les MystГЁres du Louvre
Oui, les MystГЁres du Louvre, c'est-Г -dire un Г©cho des chroniques Г©tranges Г©closes et comprimГ©es entre les murailles sombres, sous les voГ»tes sinistres, dans les labyrinthes souterrains de ce vieux palais, dont la quadruple destination avait une terrible Г©loquence, lorsqu'il servait tout Г la fois de sГ©jour aux princes, de citadelle, de prison d'Г‰tat et de coffre-fort royal.
Le temps n'a point passé impunément sur ces constructions menaçantes, que les hauts barons, les grands feudataires de la couronne ne regardaient qu'en tremblant.
Mais si son action s'Г©tait bornГ©e Г transformer l'aspect extГ©rieur des choses, ce serait peu. Elle a eu d'autres consГ©quences: elle a fait justice des juridictions barbares, des dominations sans contrГґle; elle a nivelГ© les rangs, rectifiГ© les usurpations de renommГ©e, apurГ© les comptes.
Bien des prestiges se sont dissipГ©s, la vГ©ritГ© seule, Г©ternelle, immuable, est demeurГ©e, et tel orgueilleux monarque, que ses historiens gagГ©s ont pu Г©lever sur le pavois de leurs panГ©gyriques imposteurs, est retombГ© dГ©criГ© et meurtri pour ne plus se relever.
La lumière a pénétré par les fissures de l'édifice vermoulu, jusqu'aux fosses de cette tour de Philippe-Auguste, inaugurée par l'infortune de Philippe, comte de Flandre, que le roi français y ensevelit vivant, après l'avoir promené par les rues de Paris, attelé à son char triomphal.
Quelle Г©popГ©e, quel drame que cette tour elle seule, servant aux rois d'alors Г la garde de ce qu'ils avaient de plus prГ©cieux: leurs richesses et leurs victimes!
Quelle distance aussi de ce Louvre de Philippe-Auguste, de Charles V, de François Ier, de Louis XIII et de Louis XIV, au monument splendide et gigantesque qu'un règne nouveau vient d'achever, et qui n'est plus que la métropole des arts et des lettres, après avoir servi d'oubliettes et d'in pace à tant d'intelligences d'artistes et d'écrivains.
Que le lecteur veuille donc nous suivre un instant dans un rapide coup d'œil sur le passé. Les événements dramatiques que nous entreprenons de développer gagneront surtout dans son esprit, quand nous l'aurons initié aux localités qui en furent le théâtre. Nous serons affranchi pour le reste de notre livre des descriptions intempestives, et nous connaîtrons, lecteur et écrivain, le terrain sur lequel nous allons marcher de conserve.
C'est d'ailleurs une digression qui vaut bien une prГ©face, car elle justifiera par avance le titre de cet ouvrage. Elle enseignera, en effet, plus d'une particularitГ©, sinon ignorГ©e, du moins peu connue, sauf des Г©rudits, et donnera, dГЁs le premier pas, le fil du labyrinthe oГ№ nous aurons Г pousser de nombreuses reconnaissances.
Nous venons de parler des Г©rudits, et, pour nous Г©difier dГЁs le dГ©but, nous ouvrons leurs dissertations prolixes. VanitГ© des vanitГ©s! Nous n'en trouvons pas deux qui tombent d'accord sur l'origine du Louvre, ni mГЄme sur l'Г©tymologie, sur la signification du nom.
Humble romancier, nous n'avons pas la prГ©tention d'en remontrer Г ces savants patentГ©s; nous admettons donc l'hypothГЁse la plus vraisemblable, Г savoir que ce palais, dont l'origine se perd dans la nuit des Гўges, fut d'abord un rendez-vous de chasse, une villa de plaisance, au milieu des bois et des marais qui couvraient primitivement cette rive de la Seine.
Les acadГ©miciens ni les professeurs n'ont pu dГ©terminer si ce mot Louvre vient du latin lupus, lupara, Г cause des loups qui infestaient ces lieux sauvages, ou de leower (on prononce loure), locution saxonne, qu'un ancien glossaire traduit par castellum, qui signifie forteresse; ou enfin de rouvre, roboretum, robur (forГЄt de chГЄnes).
La premiГЁre de ces opinions nous semble la plus plausible, car des lettres et ordonnances, datГ©es de cette citadelle par les rois qui y demeuraient, portent cette mention: Apud LUPARAM prope Parisios (au Louvre prГЁs Paris).
Philippe-Auguste, sous le rГЁgne du