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Valentine

Жорж Санд

George Sand

Valentine

NOTICE

Valentine est le second roman que j'aie publiГ©, aprГЁs Indiana, qui eut un succГЁs littГ©raire auquel j'Г©tais loin de m'attendre; je retournais dans le Berri en 1832, et je me plus Г  peindre la nature que j'avais sous les yeux depuis mon enfance. DГЁs ces jours-lГ , j'avais Г©prouvГ© le besoin de la dГ©crire; mais, par un phГ©nomГЁne qui accompagne toutes les Г©motions profondes, dans l'ordre moral comme dans l'ordre intellectuel, c'est ce qu'on dГ©sire le plus manifester, qu'on ose le moins aborder en public. Ce pauvre coin du Berri, cette VallГ©e-Noire si inconnue, ce paysage sans grandeur, sans Г©clat, qu'il faut chercher pour le trouver, et chГ©rir pour l'admirer, c'Г©tait le sanctuaire de mes premiГЁres, de mes longues, de mes continuelles rГЄveries. Il y avait vingt-deux ans que je vivais dans ces arbres mutilГ©s, dans ces chemins raboteux, le long de ces buissons incultes, au bord de ces ruisseaux dont les rives ne sont praticables qu'aux enfants et aux troupeaux. Tout cela n'avait de charmes que pour moi, et ne mГ©ritait pas d'ГЄtre rГ©vГ©lГ© aux indiffГ©rents. Pourquoi trahir l'incognito de cette contrГ©e modeste qu'aucun grand souvenir historique, qu'aucun grand site pittoresque, ne signalent Г  l'intГ©rГЄt ou Г  la curiositГ©? Il me semblait que la VallГ©e-Noire c'Г©tait moi-mГЄme, c'Г©tait le cadre, le vГЄtement de ma propre existence, et il y avait si loin de lГ  Г  une toilette brillante et faite pour attirer les regards! Si j'avais comptГ© sur le retentissement de mes Е“uvres, je crois que j'eusse voilГ© avec jalousie ce paysage comme un sanctuaire, oГ№, seul jusque-lГ , peut-ГЄtre, j'avais promenГ© une pensГ©e d'artiste, une rГЄverie de poГЁte; mais je n'y comptais pas, je n'y pensais mГЄme pas du tout. J Г©tais obligГ© d'Г©crire et j'Г©crivais. Je me laissais entraГ®ner au charme secret rГ©pandu dans l'air presque natal dont j'Г©tais enveloppГ©. La partie descriptive de mon roman fut goГ»tГ©e. La fable souleva des critiques assez vives sur la prГ©tendue doctrine anti-matrimoniale que j'avais dГ©jГ  proclamГ©e, disait-on, dans Indiana. Dans l'un et l'autre roman j'avais montrГ© les dangers et les douleurs des unions mal assorties. Il paraГ®t que, croyant faire de la prose, j'avais fait du saint-simonisme sans le savoir. Je n'en Г©tais pas alors Г  rГ©flГ©chir sur les misГЁres sociales. J'Г©tais encore trop jeune pour voir et constater autre chose que des faits. J'en serais peut-ГЄtre toujours restГ© lГ , grГўce Г  mon indolence naturelle et Г  cet amour des choses extГ©rieures qui est le bonheur et l'infirmitГ© des artistes, si l'on ne m'eГ»t poussГ©, par des critiques un peu pГ©dantesques, Г  rГ©flГ©chir davantage et Г  m'inquiГ©ter des causes premiГЁres, dont je n'avais jusque-lГ  saisi que les effets. Mais on m'accusa si aigrement de vouloir faire l'esprit fort et le philosophe, que je me posai un jour cette question: В«Voyons donc ce que c'est que la philosophie!В»

GEORGE SAND.

Paris, 27 mars 1832.

PREMIГ€RE PARTIE

I

La partie sud-est du Berry renferme quelques lieues d'un pays singulièrement pittoresque. La grande route qui le traverse dans la direction de Paris à Clermont étant bordée des terres les plus habitées, il est difficile au voyageur de soupçonner la beauté des sites qui l'avoisinent. Mais à celui qui, cherchant l'ombre et le silence, s'enfoncerait dans un de ces chemins tortueux et encaissés qui débouchent sur la route à chaque instant, bientôt se révéleraient de frais et calmes paysages, des prairies d'un vert tendre, des ruisseaux mélancoliques, des massifs d'aunes et de frênes, toute une nature suave et pastorale. En vain chercherait-il dans un rayon de plusieurs lieues une maison d'ardoise et de moellons. À peine une mince fumée bleue, venant à trembloter derrière le feuillage, lui annoncerait le voisinage d'un toit de chaume; et s'il apercevait derrière les noyers de la colline la flèche d'une petite église, au bout de quelques pas il découvri