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La fabrique de mariages, Vol. III

Paul FГ©val

Paul FГ©val

La fabrique de mariages, Vol. III

III

– Ce qu'on dit et ce qu'on ne dit pas. —

– Pas vrai, dit Barbedor, que tu n'as pas honte de mon négligé, l'ancien?

– Honte de ton négligé! répéta Roger-Bontemps; – ne commence pas sur ce ton-là, vieux, ou nous allons nous fâcher… Ça n'est pas l'enveloppe que je regarde, c'est le cœur qui palpite ici dessous!

– Par exemple! murmura Niquet en passant le revers de sa main sur ses yeux, voilà du sentiment crânement exprimé!

– Ah! mais oui! dit Palaproie.

– Assieds-toi, vieux, assieds-toi, reprit le capitaine; – fumes-en une avec nous… fumes-en deux, trois… vingt-cinq, si tu veux!.. Nous sommes ici des vrais… Le séjour n'est pas mal, comme tu vois… et l'on peut s'y procurer tout ce qui fait l'agrément de se retrouver après l'absence!

Barbedor jeta un coup d'Е“il connaisseur et satisfait aux bouteilles alignГ©es.

Roger battit la table avec la canne de Niquet.

– Un quatrième! dit-il à Martin, qui accourait.

– Un quatrième quoi? demanda celui-ci.

Roger avait dГ©jГ  trois ou quatre bons coups sur la conscience. Les amateurs prГ©tendent qu'il n'y a rien de si facile Г  griser qu'un vieux brave. CЕ“urs chauds, langues bavardes, pauvres tГЄtes.

Le pГ©chГ© mignon de Roger, quand il Г©tait gris, c'Г©tait la fanfaronnade.

Jusqu'alors, il avait gardГ© un certain scrupule, une certaine crainte de gГЄner M. le comte de Mersanz, son gendre. ConfusГ©ment, l'idГ©e existait en lui que la sociГ©tГ© assise autour de la table ne devait pas bien faire dans le jardin d'un grand seigneur.

Mais une autre idГ©e combattait celle-lГ : c'Г©tait la toute-puissance de sa fille, de BГ©atrice, si belle et si passionnГ©ment aimГ©e.

A mesure qu'il buvait, la bascule se faisait entre les deux idГ©es: le scrupule baissait, la confiance montait. Roger-Bontemps arrivait Г  se dire: В«Je voudrais bien voir qu'on ne fГ»t pas content.В»

– Qu'est-ce que c'est? qu'est-ce que c'est? fit-il en lançant un terrible regard au pauvre Martin, qui recula épouvanté; – tu ne sais pas ce que c'est qu'un quatrième à une table où il n'y a que trois verres pour quatre pratiques?..

Martin ouvrit la bouche pour s'excuser.

– Cartouchibus! s'écria le redoutable Roger, qui se leva et fit le moulinet avec la canne du sergent, – je crois que tu raisonnes!

Martin fuyait dГ©jГ  Г  toutes jambes.

– Voilà comme il faut les mener! dit Barbedor.

– Autrement, ils deviennent insolents, ajouta Niquet.

– C'est que ça y est! conclut Palaproie.

– Que t'a-t-il dit? demanda M. Baptiste à Martin quand celui-ci rentra.

– Il est enragé, ce bonhomme-là! répondit le conscrit.

M. Baptiste se redressa de son haut et toisa Martin avec sГ©vГ©ritГ©.

– N'oubliez jamais, prononça-t-il emphatiquement, – quand vous parlez du capitaine Roger, que c'est le beau père de M. le comte!

– Et faites tout ce qu'il vous ordonnera, mon ami, ajouta mademoiselle Jenny en prenant une pastille dans la bonbonnière de Béatrice.

Martin alla chercher le quatriГЁme.

M. Baptiste et mademoiselle Jenny se mirent Г  la fenГЄtre du petit salon.

Les domestiques d'ordre infГ©rieur Г©taient aux fenГЄtres de l'antichambre.

Tous contemplaient le quatuor bachique avidement et le mГ©chant sourire aux lГЁvres.

Seuls, M. Baptiste et mademoiselle Jenny savaient le mal qui pouvait rГ©sulter de cette bombance en plein air, mais les autres flairaient plaie ou bosse; cela suffisait Г  les tenir en joie.

– Où diable a-t-il péché cet homme en veste de marchand de vin? demanda M. Baptiste.

– C'est le plus beau! répondit mademoiselle Jenny; – on l'aurait fait exprès, qu'on ne l'aurait pas mieux réussi!

– Le fait est qu'il est superbe!.. Le voilà qui boit… il a une touche!..

– Dire qu'il y a des personnes qui ont ce genre-là! fit la soubrette en essuyant son nez retroussé avec un mouchoir au coin duquel sa marque avait remplacé adroitement celle de sa maîtresse.

– Avez-vous vu? re