Г‰maux et CamГ©es
ThГ©ophile Gautier
ThГ©ophile Gautier
Г‰maux et CamГ©es
PRÉFACE
Pendant les guerres de l'empire,
GЕ“the, au bruit du canon brutal,
Fit le Divan occidental,
FraГ®che oasis oГ№ l'art respire.
Pour Nisami quittant Shakspeare,
Il se parfuma de Г§antal,
Et sur un mГЁtre oriental
Nota le chant qu'Hudhud soupire.
Comme GЕ“the sur son divan
A Weimar s'isolait des choses
Et d'Hafiz effeuillait les roses,
Sans prendre garde Г l'ouragan
Qui fouettait mes vitres fermГ©es,
Moi, j'ai fait Г‰maux et CamГ©es.
AFFINITÉS SECRÈTES MADRIGAL PANTHÉISTE
Dans le fronton d'un temple antique,
Deux blocs de marbre ont, trois mille ans
Sur le fond bleu du ciel attique,
JuxtaposГ© leurs rГЄves blancs;
Dans la mГЄme nacre figГ©es,
Larmes des flots pleurant VГ©nus,
Deux perles au gouffre plongГ©es
Se sont dit des mots inconnus;
Au frais GГ©nГ©ralife Г©closes,
Sous le jet d'eau toujours en pleurs,
Du temps de Boabdil, deux roses
Ensemble ont fait jaser leurs fleurs;
Sur les coupoles de Venise
Deux ramiers blancs aux pieds rosГ©s,
Au nid oГ№ l'amour s'Г©ternise,
Un soir de mai se sont posГ©s.
Marbre, perle, rose, colombe,
Tout se dissout, tout se dГ©truit;
La perle fond, le marbre tombe,
La fleur se fane et l'oiseau fuit.
En se quittant, chaque parcelle
S'en va dans le creuset profond
Grossir la pГўte universelle
Faite des formes que Dieu fond.
Par de lentes mГ©tamorphoses,
Les marbres blancs en blanches chairs,
Les fleurs roses en lГЁvres roses
Se refont dans des corps divers.
Les ramiers de nouveau roucoulent
Au cЕ“ur de deux jeunes amants,
Et les perles en dents se moulent
Pour l'Г©crin des rires charmants.
De lГ naissent ces sympathies
Aux impГ©rieuses douceurs,
Par qui les Гўmes averties
Partout se reconnaissent sЕ“urs.
Docile Г l'appel d'un arome,
D'un rayon ou d'une couleur,
L'atome vole vers l'atome
Comme l'abeille vers la fleur.
L'on se souvient des rГЄveries
Sur le fronton ou dans la mer,
Des conversations fleuries
PrГЁs de la fontaine au flot clair,
Des baisers et des frissons d'ailes
Sur les dГґmes aux boules d'or,
Et les molГ©cules fidГЁles
Se cherchent et s'aiment encor.
L'amour oubliГ© se rГ©veille,
Le passГ© vaguement renaГ®t,
La fleur sur la bouche vermeille
Se respire et se reconnaГ®t.
Dans la nacre oГ№ le rire brille
La perle revoit sa blancheur;
Sur une peau de jeune fille,
Le marbre Г©mu sent sa fraГ®cheur.
Le ramier trouve une voix douce,
Г‰cho de son gГ©missement,
Toute rГ©sistance s'Г©mousse,
Et l'inconnu devient l'amant.
Vous devant qui je brГ»le et tremble
Quel flot, quel fronton, quel rosier,
Quel dГґme nous connut ensemble,
Perle ou marbre, fleur ou ramier?
LE POГ€ME DE LA FEMME, marbre de paros
Un jour, au doux rГЄveur qui l'aime,
En train de montrer ses trГ©sors,
Elle voulut lire un poГЁme,
Le poГЁme de son beau corps.
D'abord, superbe et triomphante
Elle vint en grand apparat,
TraГ®nant avec des airs d'infante
Un flot de velours nacarat:
Telle qu'au rebord de sa loge
Elle brille aux Italiens,
Г‰coutant passer son Г©loge
Dans les chants des musiciens
Ensuite, en sa verve d'artiste,
Laissant tomber l'Г©pais velours,
Dans un nuage de batiste
Elle Г©baucha ses fiers contours.
Glissant de l'Г©paule Г la hanche,
La chemise aux plis nonchalants,
Comme une tourterelle blanche
Vint s'abattre sur ses pieds blancs.
Pour Apelle ou pour ClГ©omГЁne,
Elle semblait, marbre de chair,
En VГ©nus AnadyomГЁne
Poser nue au bord de la mer.
De grosses perles de Venise
Roulaient au lieu de gouttes d'eau,
Grains laiteux qu'un rayon irise,
Sur le frais satin de sa peau.
Oh! quelles ravissantes choses
Dans sa divine nuditГ©,
Avec les strophes de ses poses,
Chantait cet hymne de beautГ©!
Comme les flots baisant le sable
Sous la lune aux tremblants rayons,
Sa grГўce Г©tait intarissable
En m