Les bases de la morale Г©volutionniste
Herbert Spencer
Herbert Spencer
Les bases de la morale Г©volutionniste
PRÉFACE
Si l'on se reporte au programme du В«SystГЁme de philosophie synthГ©tiqueВ», on verra que les chapitres dГ©tachГ©s de l'ensemble pour former le volume actuel [1 - Ce volume est intitulГ© en anglais The data of ethics.] constituent la premiГЁre partie des Principes de morale qui doivent terminer le systГЁme. Comme le second et le troisiГЁme volume des Principes de sociologie ne sont pas encore publiГ©s, l'apparition de l'ouvrage qui en forme la suite logique semblera peut-ГЄtre prГ©maturГ©e.
J'ai été amené à m'écarter de l'ordre fixé, par la crainte de ne pouvoir, si je continuais à suivre cet ordre, exécuter l'oeuvre qui est le terme de la série. Des avertissements, répétés dans ces dernières années à des intervalles plus rapprochés et avec plus de clarté, m'ont appris que je pouvais être définitivement privé de mes forces, – en supposant même que ma vie se prolonge, – avant d'avoir achevé la tâche que je m'étais marquée à moi-même. Cette dernière partie de la tâche est celle pour laquelle toutes les parties précédentes ne sont, à mon avis, qu'une préparation. Remontant à l'année 1842, mon premier essai, – des lettres sur La sphère propre du gouvernement, – indiquait vaguement que je concevais l'existence de certains principes généraux de bien et de mal dans la conduite politique; depuis cette époque, mon but final, poursuivi à travers tous les buts prochains que je me suis proposés, a toujours été de découvrir une base scientifique pour les principes du bien et du mal dans la conduite en général. Manquer ce but, après avoir fait pour y arriver des travaux si considérables, serait un malheur dont je n'aime pas à envisager la possibilité, et j'ai à coeur de le prévenir, sinon complètement, du moins en partie. De là l'avance que je prends. Bien que cette première division de l'ouvrage qui termine la Philosophie synthétique ne puisse, naturellement, contenir les conclusions particulières à établir dans l'ouvrage entier, elle les implique cependant, de sorte que pour les formuler avec rigueur il suffit de recourir à une déduction logique.
J'ai surtout Г coeur d'esquisser cet ouvrage final, si je ne puis l'achever entiГЁrement, parce qu'il y a un pressant besoin d'Г©tablir sur une base scientifique les rГЁgles de la conduite droite. Aujourd'hui que les prescriptions morales perdent l'autoritГ© qu'elles devaient Г leur prГ©tendue origine sacrГ©e, la sГ©cularisation de la morale s'impose. Il est peu de dГ©sastres plus redoutables que la dГ©cadence et la mort d'un systГЁme rГ©gulateur devenu insuffisant dГ©sormais, alors qu'un autre systГЁme plus propre Г rГ©gler les moeurs n'est pas encore prГЄt Г le remplacer. La plupart de ceux qui rejettent la croyance commune paraissent admettre que l'on peut impunГ©ment se passer de l'action directrice qu'elle exerГ§ait et laisser vacant le rГґle qu'elle jouait. En mГЄme temps, ceux qui dГ©fendent la croyance commune soutiennent que, faute de la direction qu'elle donne, il n'y a plus de direction possible: les commandements divins, Г leur avis, sont les seules rГЁgles que l'on puisse connaГ®tre. Ainsi, entre les partisans de ces deux doctrines opposГ©es, il y a une idГ©e commune. Les uns prГ©tendent que le vide laissГ© par la disparition du code de morale surnaturelle n'a pas besoin d'ГЄtre comblГ© par un code de morale naturelle, et les autres prГ©tendent qu'il ne serait pas possible de le combler ainsi. Les uns et les autres reconnaissent le vide; les uns le dГ©sirent, les autres le redoutent. Le changement que promet ou menace de produire parmi nous cet Г©tat, dГ©sirГ© ou craint, fait de rapides progrГЁs: ceux qui croient possible et nГ©cessaire de remplir le vide sont donc appelГ©s Г faire quelque chose en conformitГ© avec leur foi.
A cette raison spГ©ciale je puis en ajouter une autre plus gГ©nГ©rale. Il est rГ©sultГ© un grand dommage de l'aspect repoussant ordinairement donnГ© Г la