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Les français au pôle Nord

Louis Boussenard

Les français au pôle Nord

PREMIГ€RE PARTIE

LA ROUTE DU POLE

I

Congrès international. – Entre géographes. – A propos des explorations polaires. – Russe, Anglais, Allemand et Français. – Grands voyages et grands voyageurs. – Un patriote. – Défi. – Lutte pacifique. – Pour la patrie!

Le congrГЁs gГ©ographique international, tenu Г  Londres en 1886, avait rassemblГ©, dans la capitale du Royaume-Uni, nombre d'illustrations et de notabilitГ©s scientifiques.

De tous les points du monde civilisГ©, les dГ©lГ©guГ©s Г©taient accourus Г  l'invitation de sir Henry C. Rawlinson, major gГ©nГ©ral des armГ©es de Sa MajestГ© la Reine et prГ©sident du congrГЁs.

Et déjà, depuis près de deux semaines, vieux messieurs à lunettes, sédentaires endurcis, qui, du fond de leur cabinet franchissent monts et forêts, enjambent latitudes et longitudes, gèlent au cercle polaire ou cuisent sous l'équateur, mais par procuration et sans quitter le bienheureux fauteuil… officiers de marine, vaillants, discrets et corrects… professeurs érudits comme des dictionnaires… négociants et armateurs pour qui la géographie n'est pas seulement une science abstraite… et enfin explorateurs bronzés, fiévreux, anémiques encore, mal à l'aise sous le frac noir qui a remplacé leur épique débraillé, étourdis au milieu du va-et-vient incessant et du tumulte de la Cité… bref, tous ceux qui, de près ou même de loin, touchent à la géographie, l'aiment, l'étudient, l'enseignent, la cultivent à un titre quelconque, en vivent et trop souvent, hélas! en meurent, se trouvaient réunis quotidiennement, de deux à quatre heures, à la National Gallery, où se tenaient les assises du congrès.

De ce congrГЁs en lui-mГЄme, rien Г  dire. Ni meilleur ni pire que les prГ©cГ©dents et sans doute que ceux qui suivront. Chaque jour les membres arrivent avec l'implacable ponctualitГ© de gens habituГ©s Г  couper des minutes en quatre et des secondes en huit, retirent leur pardessus, apparaissent chamarrГ©s de dГ©corations polychromes, se saluent, s'installent, semblent prГЄter l'oreille aux choses palpitantes qui perdent sans doute Г  ГЄtre nasillГ©es par un personnage quelconque, et attendent patiemment le coup de quatre heures frappГ© par le marteau de l'horloge monumentale.

La sГ©ance est finie. Et c'est alors seulement que l'assemblГ©e semble se dГ©geler. Il y a un de ces petits brouhahas de fin de classe, bien connus des Г©coliers, puis des conversations s'engagent, des prГ©sentations s'opГЁrent, des poignГ©es de mains s'Г©changent, et on cause un peu de tout, mГЄme de la question agitГ©e en sГ©ance.

Enfin, aprГЁs un temps plus ou moins long subordonnГ© Г  l'Г©tat de l'atmosphГЁre, Г  l'intГ©rГЄt de la chose exposГ©e, au potin du jour, aux affaires ou au plaisir, l'assemblГ©e dГ©libГ©rante se dissout sans dГ©libГ©rer.

Les membres quittent Trafalgar-Square par petits groupes qui se forment sous l'influence de la curiositГ©, de sympathies brusquement Г©closes, parfois aussi de contrastes entre personnes ou de rivalitГ©s entre citoyens de nationalitГ©s diffГ©rentes. Et chacun s'en va oГ№ bon lui semble en attendant la prochaine rГ©union.

Telle est, sauf légères variantes, la façon dont se comportent les congrès. On traite, au milieu de l'indifférence générale – indifférence de bon ton, d'ailleurs – un certain nombre de questions qui demeurent inconnues aux membres jusqu'à la publication du compte rendu, et on se sépare après congratulations générales, interviews de reporters et averses de médailles et de décorations.

Mais ces assises scientifiques ont du moins cela d'utile qu'elles rapprochent des hommes qui s'ignoraient ou se mГ©connaissaient, crГ©ent parfois des liaisons durables, excitent une nouvelle Г©mulation et produisent d'autre part des Г©vГ©nements tout Г  fait inattendus.

C'est positivement ce qui arriva le 13 mai – jour fatidique – à l'issue d'une séance aussi incolore